La distinction qu’on semble devoir faire en droit est celle entre les vrais pauvres et ceux qui feignent de l’être. Mais pour ceux qui sont de vrais pauvres, non seulement il n’est pas conforme à la piété de faire une différence entre les locaux et les étrangers, mais encore, je le dis avec toute la correction et le respect nécessaires, cela ne semble pas conforme à la justice. Et au contraire, lorsqu’il s’agit non pas de vrais pauvres mais de fainéants, il n’y a pas lieu non plus de faire la distinction entre pauvres locaux et étrangers. Ceux qui sont des fainéants et des gens sans propos ni utilité, tant étrangers que locaux, doivent être punis et l’on doit secourir les vrais pauvres, tant ceux d’ici que les étrangers. Ces propos sur les pauvres étrangers nous viennent de Domingo de Soto, théologien réputé de la Contre-Réforme, frère d’ordre de Vitoria et de Las Casas, et comme eux partie prenante à tous les grands débats de l’Espagne de Charles Quint : sur la légitimité de la conquête de l’Amérique, comme sur les lois contre la pauvreté qui risquent de s’avérer être des lois contre les pauvres. Or, en ce début du XXIe siècle, marqué par une crise qui a ébranlé la croyance du siècle précédent d’avoir trouvé le sentier d’une prospérité qui progressivement s’étendrait à tous, la tentation peur être forte d’une involution de l’action politique, aux dépens des plus faibles. Et parmi ces plus faibles, comment douter qu’on ne trouve ceux qui cumulent le double handicap d’être pauvres et étrangers ? Il est alors peut-être grand temps de réentendre les voix qui se sont élevées lors des controverses du passé, pour nous aider à être, nous aussi, à la hauteur des défis de notre temps.
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