Mémoire, témoignage, catharsis : ces mots ne cessent de revenir au sujet des grandes catastrophes politiques du 20e siècle, comme s’ils nous aidaient à les assimiler. La hantise d’un effondrement a donné lieu à une religion de la transmission. Mais en réalité nul ne sait quoi faire d’un si monstrueux héritage, qui nous barre l’accès au présent et obstrue notre avenir. De ce non-savoir vient le mot « mémoire » sous lequel s’agitent le chaos des chagrins individuels et celui des luttes pour la reconnaissance, un nouveau vocabulaire politique, un marché culturel, et à présent un champ académique : bref une culture. Mais cette culture semble aujourd’hui toucher ses limites en se désamarrant du réel au point de faire écran à ce dont elle se réclame : la réalité passée et sa mémoire. L’auteur prend le parti de changer de perspective en voyant s’exprimer, dans cette impasse, une angoisse de la vérité. Au-delà du refus d’oublier, ce qui déchire l’espèce et détruit un monde produit pour certains un mal de vérité particulier, qui s’accompagne d’une crise de la vérité inédite. Sous un fatras d’époque, l’auteure dessine les contours d’une étrange utopie. En dressant la physionomie critique de cette culture de la mémoire elle tente un autre usage des textes témoins, pour penser avec eux le mal de vérité qui travaille notre rapport au passé, et trouver un nouveau rapport politique au présent.
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